La mort de l'arbre aux fées

Un oiseau chante pour souhaiter la bienvenue au Soleil qui lui réchauffe les plumes de sa saine chaleur. Ce chant gracieux et beau réveille l’être niché au creux d’une branche d’un chêne vénérable. L’être se secoue dans un éclaboussement de couleur et de grâce. Il s’agit de la Fée du bois, adorée des animaux, de la végétation et du Soleil qui s’en est épris et lui réserve chaque jour ses plus beaux et ses plus doux rayons. Ses yeux taillés dans la plus pure des émeraudes semblent transpercer le cœur de qui croise son regard, voyant au plus profond des âmes et apaisant les plus sombres et les plus troublées grâce à son sourire qui rend le Soleil sombre en comparaison, répandant amour et joie avec prodigalité, à tous ceux qu’elles rencontre, du plus sauvage des loups à la plus frêle des biches.

Elle déploie ses six ailes et prend son envol, ombre lumineuse se déplaçant sans bruit. A son passage tous les oiseaux chantent de joie et de félicité, les arbres les plus anciens eux-mêmes se courbent dans un bruissement de feuille et un craquement des branches. Elle se rapproche du plus ancien des chênes du bois. Ce chêne où elle aime se calfeutrer, au creux de son tronc marqué par le temps, là où les craquements du tronc lui racontent la longue histoire de cet arbre qui a cessé depuis bien longtemps de compter les ans.

Mais soudain elle s’arrête. Des larmes soudaines lui remplissent ses yeux qui prennent des couleurs crépusculaires. Les gouttes tombent, une à une, et se transforment en perles amères qui roulent sur l’herbe avant de rentrer dans la terre, la glaçant un instant. La Nature toute entière cesse ses chants plein de joie et entonne un sombre requiem pour marquer la mort du sourire de la Fée et de l’Arbre son ami, l’Arbre son confident, l’Arbre assassiné par de vils meurtriers, poussant le sadisme à sculpter d’étranges hiéroglyphes sur l’Arbre pour le faire mourir doucement, dans d’atroces souffrances.

En un instant les cheveux d’or fin de la fée se transforment en fils cendreux et grossiers. Elle s’en va au pied du cadavre de son ami pour y purger son chagrin. Tous se retirent par pudeur et les arbres ferment les yeux pour accompagner l’âme de leur camarade dans la jeune pousse qui déjà pointe entre les racines de son aîné. Mais soudain des bruits étranges se font entendre. Qu’est-ce ? Ce sont les semblables des meurtriers, ces êtres sauvages nommés Hommes. Ils parlent, au milieu de grands éclats de rire, de protéger les droits des fées, de créer un Comité National de Défense des Droits des Fées. Tout à leurs grands discours et leurs grandes idées sur le CNDDF ils marchent, sans y prendre garde, sur la Fée pleurant son ami Arbre, et la laissent piétinée et mourante sans même se rendre compte de sa présence.



(p) & (c) Achim Shark 2004

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