Le fermier, la licorne et les chevaux

Il était une fois un magnifique village de campagne perdu dans les montagnes. La fierté de la population était son troupeau de chevaux : ils étaient blancs comme la neige des hauts sommets, doux comme le printemps chatoyant et rapides comme une rivière dévalant les pentes des monts environnants. Tous ignoraient que leur père était un unicorne noir.

Or, un jour, le maire s’aperçut que le troupeau avait disparu. Il ameuta tout le village et demanda qui serait assez brave aller chercher les magnifiques animaux, bravant sans doute mille dangers.

- Moi ! dit immédiatement Nathan, jeune paysan courageux, j’irai les chercher, dussè-je traverser la Terre et voir la gueule de l’Enfer s’ouvrir devant mes pas !
- Ton courage t’honore jeune Nathan, répartit le maire, je ne puis t’accompagner mais je te confie mon fusil.
- Ma fourche ! s’exclama un fermier.

En quelques minutes Nathan reçu cinq fourches, trois fusils et deux haches puis il partit sans attendre. Comme il marchait depuis deux jours il entendit une voix : « Nathan, je viens avec toi, tu auras besoin de mon aide. » Il se retourna, la stupeur se lut sur son visage : il voyait l’unicorne !

- N’ai pas peur, reprit l’unicorne, ces chevaux que tu cherches sont mes enfants, je vais t’aider à les retrouver. Car je sais qui les a volés et où ils sont séquestrés. C’est un sorcier et des voleurs, ils habitent la Forêt-Sans-Fin !
- La Forêt-Sans-Fin ! s’exclama-t-il, mais, dedans, il y a des bêtes sauvages, des monstres et que sais-je encore !
- Je sais, dit l’unicorne, mais allons-y, je vais te protéger ; J’ai tous les pouvoirs avec ma corne laser !

Ils cheminèrent donc de concert. A la lisière de la Forêt-Sans-Fin l’unicorne s’arrêta et dit :

- Nathan, coupe-moi la langue !
- Ta corne ? Mais pourquoi ?
- Coupe-moi la langue, c’est un ordre !
- Dans ce cas… D’accord…

Il la lui coupa avec une hache. Elle se transforma en glaive dans sa main.

- C’est le Glaive Magique, reprit l’unicorne à qui la langue avait repoussée, tu ne pourras l’utiliser que pour faire le bien.

Ils entrèrent dans la sinistre forêt. Ils marchèrent quelques heures en se battant contre de gigantesques loups. Quand, soudain, ils virent d’étranges êtres mi-rats mi-hommes. Ils ne semblaient pas très malins car ils foncèrent tête baissée sur nos héros. L’unicorne lança un geyser de flammes de sa corne magique qui les tuèrent tous sauf un, qui semblait être le chef, ayant évité en poussant un hurlement de gargouille avant de foncer sur Nathan. « Son cou est son point faible » cria l’unicorne. Aussitôt, Nathan planta sa fourche dans le cou du monstre qui agonisa pendant quelques secondes avant de mourir. Nathan le jeta négligemment sur le côté de la route comme un vulgaire détritus.

Finalement, ils arrivèrent sains et saufs à la caverne des bandits. A l’intérieur mes voleurs et le sorcier fêtaient leur bonne fortune. Le vin coulait à flot et les hors-la-loi étaient ivres-morts sauf le sorcier qui, comme toutes les créatures démoniaques, était très sobre. Celui-ci avait l’air plutôt effrayant : il portait une immense cape noire doublée d’un velours pourpre. Ses yeux étaient d’un rouge sanglant. Le monstre était assis sur un trône fabriqué à partir des os de ses ennemis vaincus.

Nathan et l’animal merveilleux entrèrent brusquement, profitant de la surprise de l’état d’engourdissement de leurs adversaires. Les bandits prirent leurs armes et foncèrent sur nos deux héros. Un des voleurs donna un coup de mousquet sur la corne de l’unicorne – son point faible -. L’autre allait l’achever avec son épée rouge de sang innocent, mais il n’en eut pas le temps car Nathan, d’un coup de fusil, lui fit éclater le crâne, la cervelle du bandit s’envola pour retomber lourdement sur le sol dallé où le sang se mêlait dorénavant au vin. En peu de temps tous les voleurs s’étaient enfuis ou étaient morts et seul le sorcier se dressait encore face à Nathan. Avant de s’évanouir l’unicorne rappela à Nathan d’utiliser le Glaive Magique. Celui-ci ce tourna alors vers l’être maléfique et lui adressa la parole en ces termes :

- Je vais t’écrabouiller puis envoyer tes restes aux quatre vents, tu vas enfin payer pour tes méfaits, misérable cloporte !
- Ce que tu crois, ricana le sorcier.

Ce dernier prit sa baguette magique et lança un jet maléfique. Le jeune paysan se protégea avec la Glaive Magique qui absorba l’impact.

- Oh, remarqua le sorcier, je vois que tu as ce fameux Glaive Magique.
- Oui ! Et c’est par cette lame que tu va mourir !

Le monstre sourit et se concentra, créant une immense lumière avec ses mains. Aveuglé, Nathan attaqua à l’aveuglette puis tomba sur le sol.

Lorsqu’il ouvrit les yeux, le sorcier avait disparu. Etonné, il jeta des regards tout autour de lui. Il remarqua l’unicorne qui semblait remis du choc qu’il avait subi.

- Où est passé le pachyderme ? demanda-t-il.
- Tu l’as blessé alors qu’il s’apprêtait à te lancer un sort des plus destructeurs, ce qui t’as étourdi. Profitant de sa faiblesse je l’ai absorbé par ma corne, et mon esprit est en train de lutter contre le sien pour la possession de mon corps. Si nous détruisons son trône, il ne pourra vaincre.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Ils reprirent les chevaux et ils rentrèrent au village sous les acclamations des habitants. Pour remercier Nathan le maire lui donna la main de sa fille Héloïse. Celle-ci n’espérait que l’accord de son père tant elle l’aimait. Ils vécurent heureux et, Dieu merci, ils n’eurent pas d’enfants.





(p)&(c) Achim Shark 1998
dessin tiré des Céréales du dimanche matin par Zack Weiner

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