Un conte de Noël

Mené par ses vagabondages, le promeneur parisien sortant du métropolitain à la station Saint Plon pourra retrouver ses pieds dans la rue Joseph Dijon. Arrivé au numéro 20 il remarquera un léger passage entre deux bâtiments passablement délabrés. Là, il y a maintenant près de deux siècles se trouvait une petite impasse sombre et désolée où l’on trouvait plus de voleurs et de prostituées que de flâneurs, à moins qu’il ne soit égaré à ses risques et périls. Au fond de cette ruelle, l’impasse Chagny, du nom du fameux vicomte, se dressait un immeuble construit en 1786 qui fut détruit en 1862 par un incendie. Les propriétaires en étaient une famille bourgeoise d’Auteuil, les Firmin. Richard Firmin avait fait une confortable fortune dans le trafic du bois dans les années 1770 et désirait assurer le futur de sa famille par un bien immobilier. C’est ainsi qu’il fit construire l’immeuble de l’impasse Chagny. Mais ses fils n’avaient que faire de ce bien situé dans un quartier des plus malfamés et avaient laissé l’immeuble tomber en déliquescence avant de brûler pour ne plus jamais être rebâti.

Au sommet de cet immeuble se trouvait une chambre en mansarde d’une dizaine de mètres carrés particulièrement délabrée dont l’insalubrité en faisait un lieu d’habitation parfaite pour tous types de germes plus que pour des êtres humains. En 1831 néanmoins, un couple y habitait répondant aux noms de Marius et Cosette. Marius était surtout connu par tous comme « Le boiteux ». En effet, lorsque jeune il avait commencé à s’employer comme ouvrier il trouva un emploi chez un tisserand mais un jour son pied se coinça dans une des machineries ce qui le rendit boiteux et impropre à bon nombre de travaux. C’est à peu près tout ce que j’ai pu apprendre à son sujet, nul ne savait vraiment d’où il venait ni depuis combien de temps il habitait l’impasse Chagny avec son épouse Cosette. Tous deux vivaient chichement et devaient souvent se contenter d’un quignon de pain noir pour quelques jours. Mais cela leur était égal car chacun pouvait vivre dans les yeux de l’autre, lorsqu’ils se retrouvaient, les mots leurs étaient inutiles. Lorsque la nourriture venait à manquer, il s’enveloppait des long cheveux de jais de sa bien aimée et jouait d’une flûte qu’il –paraît-il– tenait d’un oncle provincial. La musique qui s’échappait alors portait en lui tous les sentiments qu’ils avaient l’un envers l’autre et emplissait leur âme –à défaut de leur estomac- de plénitude et de bonheur.

Le temps passait ainsi durant cette année 1831 et, comme le veut la nature, les saisons se suivirent et vint l’hiver et son froid manteau avec dans ses valises Noël et ses fêtes. La vie dans la mansarde devint plus difficile avec ce froid mordant. Jour après jour le Boiteux maigrissait et cachait comme il pouvait les toux qui le secouaient mais Cosette lisait comme dans un livre ouvert sur ses traits émaciés et se souciaient chaque jour plus de la santé de son amant. Lorsqu’il fut le 24 décembre, elle sortit de chez elle, décidée à trouver quelque chose à offrir à son mari pour célébrer ce jour spécial et marquer encore son amour pour lui. Elle déambula dans les ruelles alentour auprès des chalands mais à chaque échoppe venait le même constat : elle n’avait aucun argent pour acheter quoi que ce soit. Tandis qu’elle cherchait ainsi elle s’approcha de la boutique d’un coiffeur qui guettait des clients. Lorsque celui-ci la vit il fut subjugué par la magnifique crinière brune, son unique coquetterie. Flattée, elle le remercia et le coiffeur en profita pour lui proposer de les lui acheter pour deux francs. Choquée par la proposition elle s’enfuit mais bientôt elle revint sur ses pas, prête à ce sacrifice pour celui qu’elle aimait. Elle entra dans la boutique et en ressortit avec deux francs.

Marius, de son côté, avait le même désir et le même problème, il espérait qu’en offrant quelque chose à son épouse elle s’inquiéterait un peu moins pour sa santé. En effet il savait bien qu’elle ne dormait quasiment pas pour veiller sur son sommeil. Ses pas le menèrent devant la boutique d’un usurier. Il n’avait rien à vendre il le savait, sa seule possession était sa flûte auquel il tenait comme à la prunelle de ses yeux. Il resta un long moment planté devant la boutique à tenir sa flûte dans la main, en proie à un tourment quant à savoir quoi faire. Brusquement il serra sa flûte dans sa main et entra dans le bâtiment dont il ressortit quelques instants plus tard avec quelques piécettes dans son poing.

Lorsque le soir vint, il retourna à l’impasse Chagny et retrouva Cosette dans leur petite chambre mansardée. Dans l’obscurité il ne remarqua pas le crâne rasé de son épouse et ils firent leur repas de fête composé d’un quignon de pain noir, puis brisant le silence, il lui annonça que pour ce jour spécial il avait une surprise pour elle. Étonnée par cette remarque elle lui répliqua que c’était également son cas. Ils se présentèrent alors mutuellement le prix de leur prix du sacrifice de leurs biens les plus précieux. Cosette tendit un étui de cuir pour flûte à son bien aimé tandis que Marius présenta un peigne d’apparat à son épouse.

Des cadeaux futiles sont-ils réellement utiles si l’amour est là ?

C’est d’autant plus dommage que Marius le Boiteux mourut de la diphtérie le mois suivant. Sans ressources, Cosette dut se résoudre à vendre ses dents puis, poursuivant dans sa déchéance elle devint une prostituée. Et comme il y a toujours eu des milliers de Fantine et très peu de Jean Valjean elle vécut ainsi jusqu’à mourir de la syphilis.




(p)&(c) Achim Shark 2009
tiré du récit que l'on m'a fait d'un dessin animé de Mickey&Minnie adapté d'un conte que je n'ai pas ou en d'autres terme, c'est la réécriture de quelque chose que je n'ai jamais lu. Mais sûrement très bien, hein.
dessin tiré de Red Meat par Max Cannon


Solution

Commentaires

  1. Et puis joyeux Noël et bonne année les gens, j'ai accompli mon but pour l'année avec ce blog débile, on se reverra peut-être l'année prochaine.

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